La nature de la bande dessinée n’est pas bien différente de celle d’autres médias. Prenons, par exemple, la télévision.
Lire un numéro (environ 20 pages) me prend 20-30 minutes, selon la densité du texte et mon rythme de lecture. (Parfois, l’art vaut quelques minutes de contemplation.)

Certaines séries durent des centaines de numéros, ponctuées par la résolution d’arcs narratifs ou les changements de l’équipe créative, comme les saisons d’une série télé. Le volume 1 des Avengers compte 402 numéros (1963 à 1996). Pour référence, les Simpsons comptent 684 épisodes (1989 à 2020).
D’autres séries, peut-être trop avant-gardistes ou, au contraire, sans inspiration créatrice, sont annulées après une poignée de numéros. Ça arrive souvent à Captain Marvel, et pour les deux raisons.
Les séries les plus populaires se transforment en franchise, comme les X-Men de Chris Claremont. Des mini-séries complètent la mythologie des personnages ou racontent une histoire plus longue dans un format circonscrit, comme Wolverine au Japon ou l’origine de Magik. Des spin-offs étendent leur univers, comme les nouvelles recrues de The New Mutants ou le retour de l’équipe originale dans X-Factor. Certains de ces personnages finissent par prendre une vie qui leur est propre, dans des aventures où ils sont la seule tête d’affiche, comme Wolverine. Pensez à une franchise comme Star Trek, avec ses nombreuses séries télé et ses films, tous interconnectés mais tous indépendants à la fois.
Et certaines histoires sont racontées en un seul volume, comme un film ou un roman singulier, avec un début et une fin bien définis.
X-Men (v.1, 1963), #94 Wolverine (v.1, 1982), #1 Magik (1983), #1 New Mutants (v.1, 1983), #1 X-Factor (v.1, 1986), #1
Certaines histoires sont purement fantaisistes, d’autres sont des mémoires très personnels, comme Maus ou Persepolis. L’oeuvre de Guy Delisle s’apparente même à du journalisme, alors qu’il nous raconte Shenzhen (2000), Pyongyang (2003) ou Jérusalem (2011).
Certains auteurs utilisent le média pour explorer des idées philosophiques ou morales profondes (Who Watches the Watchmen?), alors que d’autres produisent du divertissement rempli de vacuité.

Découvrez… Swarm! Ce n’est pas assez qu’il soit un apiculteur fou fait d’abeilles. Il faut aussi qu’il soit… un Nazi!
Et comme tout média, la bande dessinée est un écosystème, un microcosme, où les idées et les concepts se répondent. Où le langage et le vocabulaire de leur expression se développent à travers le temps et grâce à l’intuition créative de ses artisans.
Dans la forme et le nombre des cases qui composent une page, je vois des angles de caméra.
Dans les couleurs et l’encrage des dessins, je vois des choix abstraits ou concrets d’expression, comme la saturation ou l’éclairage le serait dans un film.
Les onomatopés sont autant d’effets sonores.
À travers leur évolution, je vois des artistes qui apprennent à parler, et qui savent de mieux en mieux comment utiliser les bons outils pour raconter leurs histoires.
Doctor Strange (v.1, 1968), #174 Strange Tales (v.2, 1973), #179 Savage She-Hulk (v.1, 1980), #21 Uncanny X-Men (v.1, 1981), #193
Et trop souvent, comme à la fin d’un épisode de télé, ces histoires se terminent trop tôt, sur fond noir. Alors, pas le choix, il faut lire le numéro suivant.
