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Le Captain America de Steve Englehart

Introduction

À quoi y sert, Captain America?

OK, il est un athlète au zénith de la condition physique humaine, il est un combattant expérimenté, et il a un bouclier indestructible. Mais qu’est-ce qu’il a à offrir, comme personnage et comme univers, dans un monde rempli de dieux mythologiques (Thor, Hercules), de mutants puissants (X-Men), de génies technologiques (Reed Richards/Mr. Fantastic, Tony Stark/Iron Man) et de héros cosmiques (Captain Marvel, Silver Surfer)?

Au début de mon exploration, je croyais que la caractéristique la plus importante d’un héros de bédé, c’était ses pouvoirs. C’est la première chose de laquelle on parle. C’est, aussi, la plus évidente. Mais plus je lis de bédés, plus je me rends compte que les pouvoirs, c’est secondaire. Bon, c’est souvent la prémisse du personnage. C’est une excuse pour le mettre dans des scènes d’action ou un outil utile pour générer des conflits ou des histoires. Mais les pouvoirs eux-mêmes sont rarement ce qui rend un personnage intéressant.

Ce qui le rend intéressant, c’est l’histoire qu’il raconte: les conflits auxquels il fait face, les dilemmes qu’il doit résoudre, les défis qu’il doit surmonter. Et, pour le lecteur, ce sont les réflexions que suscite cette histoire, les leçons qu’on peut en tirer et, surtout, les perspectives uniques sur la nature humaine qu’on peut y apercevoir.

J’ai compris tout ça, et la pertinence de Captain America, en lisant la série de Steve Englehart.

Captain America (v.1, 1968), #167
Captain America: homme ou symbole?

Englehart est, présentement, mon auteur de bédé préféré.

Captain America (v.1, 1968), #174

Stan Lee innove parce qu’il donne des failles à ses héros pour les rendre humains. Donc ses personnages sont bidimensionnels… mais manquent encore de profondeur. Steve Englehart, lui, explore enfin la psyché de ces personnages, pour comprendre ce qui rend ces humains héroïques.

Sous la plume d’Englehart, Steve Rogers (alias Captain America) se questionne sur sa place dans un monde qui lui est étranger, où il se sent comme un anachronisme, où la distinction entre les “gentils” et les “méchants” est plus grise et complexe que durant la Seconde Guerre mondiale. Ses idéaux semblent périmés pour les États-Unis des années 70. Captain America (ce qu’il représente) est-il toujours pertinent dans l’Amérique de la Guerre froide, de Nixon, de la Guerre du Vietnam et de Watergate?

Captain America (v.1, 1968), #170

Parce que Captain America, d’abord et avant tout, est un symbole. Une légende, réifiée. Et tout le poids de cet idéal qu’il représente est porté par un homme, Steve Rogers. Mais dites-moi, quelles sont les épaules assez solides pour supporter les idéaux de toute une nation, de tout un peuple? L’homme peut-il jamais être à la hauteur de sa propre légende?

Si on inverse toutefois la question, on peut plutôt se demander: quels idéaux méritent d’être portés? Lesquels ont besoin d’épaules pour ne pas s’effondrer?

Steve Englehart confronte Captain America à toutes ces questions, et à tous ses doutes.

L’autre Captain America
Captain America (v.1, 1968), #155

Et Englehart ne perd pas de temps! Dès ses premiers numéros (#153-156), il introduit l’autre Captain America: celui des années 50, qui portait le titre pendant que l’original (Steve Rogers) était congelé.

(C’est, en fait, l’un des premiers retcons de l’Univers Marvel! Dans la continuité, Captain America est victime d’un accident à la fin de la guerre, en 1945, où il se retrouve congelé. Il est découvert et décongelé par les Avengers en 1964, dans Avengers (v.1, 1963), #4. Mais Marvel Comics avait continué de publier ses aventures durant les années 50. Alors, qui était ce Captain America? Au lieu de l’ignorer, Englehart le ramène à la vie, et le redéfinit comme un imposteur.)

Captain America (v.1,1968), #156
Vrai Cap en haut, faux Cap en bas

Cet imposteur est une image inversée de Steve Rogers/Captain America, et une perversion de ses idéaux. Son patriotisme est trempé de suprématie blanche. Son combat contre le communisme n’est que du maccarthysme mal déguisé.

Sa résurrection a peut-être pour contexte la visite de Nixon en Chine en 1972, mais ce Captain America névrosé, paranoïaque, violent et qui crache la haine, alors qu’il se drape de “patriotisme”, a quelque chose d’étrangement… pertinent dans le contexte de l’administration Trump.

Secret Empire: Cap face à Watergate
Captain America (v.1, 1968), #170

Une campagne publicitaire pour discréditer Captain America commence, alors que celui-ci est accusé de meurtre. C’est comme ça que débute Secret Empire (#169-176), une réinterprétation de Watergate par Steve Englehart.

Je veux souligner ici le caractère éminemment contemporain de Secret Empire. Watergate se déroule de 1972 à 1974. Les numéros de Secret Empire sont publiés de janvier à août 1974. Et Nixon démissionne le 8 août 1974.

Secret Empire se lit comme un film d’espionnage ou un thriller politique. Le public se retourne contre Captain America au moment où un nouveau héros louche, Moonstone, entre en scène. Des membres des X-Men disparaissent et les autres mutants sont pourchassés, alors qu’une organisation mystérieuse semble tirer les ficelles.

La conclusion de cette saga frappe Captain America au coeur même de ses idéaux. Steve Rogers voit les piliers de son identité fracassés. Peut-il encore revêtir son costume, après ce dont il a été témoin?

Captain America (v.1, 1968), #174
Nomad: en quête d’identité

Dans ses derniers numéros (#177-186), Englehart fait vivre à Steve Rogers une renaissance. Rogers abandonne le costume de Captain America, et adopte plutôt l’identité de Nomad. Ce dernier arc narratif sert d’épilogue, où Steve Rogers cherche quel héros il souhaite être, qu’est-ce qu’il souhaite représenter et défendre, avant de réadopter (vous vous en doutez bien) le costume et l’identité qui ont fait sa légende. Mais cette fois, ce ne sera pas la légende qui emprisonnera l’homme. Cette fois, ce sera l’homme qui définira la légende.

Captain America (v.1, 1968), #180
Falcon?

Je devrais, au moins, mentionner Falcon quelque part. Sam Wilson, alias Falcon, partage le titre du magazine avec Cap du #134 au #222 (1971-1978).

Captain America (v.1, 1968), #170

C’est un peu son sidekick, un peu son partenaire, un peu son propre personnage. C’est aussi l’un des premiers héros afro-américains de la bédé! Il apporte aussi au magazine une perspective différente, avec Harlem, sa pauvreté et les conflits raciaux comme décor. Cette perspective se marrie bien avec les grands thèmes qu’Englehart veut explorer.

Mais à part ça, je n’ai malheureusement pas grand chose d’intéressant à dire sur le personnage. Il est entraîné à se battre par Captain America, et il parle télépathiquement avec un faucon, Redwing. En parallèle à Secret Empire, Black Panther lui confectionne des ailes pour qu’il puisse planer (mais pas vraiment voler?). Il a constamment l’impression de ne pas être à la hauteur du légendaire Captain America et… ouin? Je lui donnerais raison?

Quoiqu’il y a peut-être, ici aussi, une réflexion pertinente sur le poids des attentes, le syndrome de l’imposteur et le besoin de prouver sa valeur…

Conclusion
Captain America (v.1, 1968), #176

Donc, à quoi y sert, Captain America?

Pour Englehart, il sert à se questionner sur le contraste entre nos idéaux et notre capacité à les réaliser. Entre la grandiloquence de nos discours moraux, et notre faillibilité comme êtres humains. Entre le manichéisme simple d’un monde idéalisé et mythifié, et les nuances grises du monde réel.

Aussi, il nous fait réaliser que ce ne sont pas seulement les failles dans nos idéaux qui rendent ces idéaux impossibles. Ce sont, surtout, les failles dans les êtres humains qui les portent.

Autrement dit, se questionner sur le monde, c’est d’abord se questionner sur soi.

Quoi lire?

Captain America (v.1, 1968), #153 à 186

Publié de 1972 à 1975

À mettre sur votre liste?

Oui? Un classique qui vaut la peine.

Bon point de départ?

Peut-être. Excellent pour découvrir Cap.

Publié par Simon Cordeau

simoncordeau.net

2 réflexions sur “Le Captain America de Steve Englehart

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